Full
Trottle
Joystick n°60 - Mai 1995
Une fois encore, Lucas Arts nous embarque dans une aventure
qui sort des sentiers battus. Qui n'a pas rêvé d'enfourcher un
de ces monstres d'acier et de chrome pour tailler la route comme Peter Fonda
dans "Easy Rider"? Alors, prenez votre cuir et vos boots et amenez-vous:
la bécane est fournie avec Full Throttle!an So Low Rider
Sans Johnny, ni Adeline !
Quand on s'appelle Lucas Arts et qu'on a développé
de petits bijoux comme Sam & Max ou Day of the Tentacle, on a une réputation
à défendre. Un lapin psychopathe qui déconne à
donf dans un jeu d'aventure aux allures de cartoon, ca reste quand même
un lapin - et tous ces lapins sur les boîtes de jeu vidéo, ca
rassure les parents. Mais un biker mal rasé, sur une grosse bécane
qui pue, qui pète, et sème un kilo de boulons aux cent mètres,
c'est carrément la vitesse au-dessus! Lucas n'a vraiment pas froid
aux yeux. Vous avez vu le mec sur la moto? II a même pas son casque.
Et puis les pots d'échappements? Ils ont pas vraiment l'air d'avoir
l'homologation... Non mais vous vous rendez pas compte, Lucas nous propose
de devenir un blouson noir, un rebelle qui nargue la police avec sa bande
de puants, dort à la belle étoile et cause sec aux nanas! C'est
pas moral tout ça. Y z'ont pété les plombs ces ricains
bien pensants, ces rois du "politically correct"! Attendez, on me
cause dans l'oreillette...
Ah oui, c'est pas pour de vrai, eh oui, c'est un jeu vidéo.
Ça explique tout. C'est le contraire; c'est pour que les jeunes se
défoulent sur leur PC plutôt qu'aller brûler des bagnoles
dans les cités. Oooh, dommage!
Pas "politically correct" !
Ça serait donc un jeu vidéo? J'en crois pas un
mot: Full Throttle à peine lancé, nous voilà plongé
dans un véritable dessin animé. Pour une intro, c'est une intro.
Un long travelling sur un paysage désertique de l'Ouest américain,
une route poussiéreuse bien droite qui pourrait bien être la
mythique Highway 66 et le décor est planté. Mais quel est donc
cet engin? Une Limousine blanche aux vitres teintées, montée
sur coussin d'air, traverse tout à coup l'écran. Dans la caisse,
deux quidams sont lancés dans une discussion animée. Faisons
les présentations. Le bonhomme avec les cheveux blancs c'est le vieux
Malcom Corley, fondateur et président de Corley Motors. Corley Motors
fabrique des motos, des vraies qui puent, qui pètent, etc. Tiens, c'est
marrant, on remplace la première syllabe de "Corley" et on
pense tout de suite à une marque de légende. Le vieux Corley,
donc, est en train de s'engueuler avec Adrian Ripburger, vice-président
de la firme. Une sacrée gueule de faux-jeton ce Ripburger. Une réunion
des actionnaires de Corley Motors, où les nouvelles orientations de
la compagnie seront présentées, doit bientôt avoir lieu
et Ripburger voudrait s'adjoindre les services d'un gang de bikers, pour faire
plus vrai. Ce qui a le don de mettre Malcom en colère, lui qui n'a
rien d'un bouffon de yuppie. Associer Ripburger à des bikers hors-la-loi,
sales, violents, buveurs de bières, ce serait une véritable
insulte pour les bikers. Tout à coup un nuage de poussière apparaît
à l'horizon et un grondement de tonnerre se fait entendre. Une tempête
s'approche: le gang des Polecats. La horde arrive au niveau de la voiture
et la dépasse. Enfin, si on peut appeler ça "dépasser":
le leader de la formation monte sur le toit de l'Hoverlimo et redescend par
l'avant en broyant le chérubin plaqué or qui sert de bouchon
de radiateur. Alors que Ripburger est interloqué (c'est sa caisse),
le vieux Corley retrouve une seconde jeunesse. II se revoit trente ans plus
tôt quand il écumait les routes, un moulin entre les jambes et
les cheveux au vent. Plein gaz!
Comme
au cinéma
La séquence d'intro continue dans un bar paumé
au bord du désert. C'est beau, c'est super beau. Les plans se succèdent
comme dans un film en cinémascope et la bande-son est en béton.
On continue les présentations avec Ben, le héros leader des
Polecats littéralement: les Putois. On pouvait s'y attendre, le vieux
Corley et Ben n'en faut pas plus pour que Ripburger, secondé par ses
sous-fifres Nestor et Bolus (ouah, mort de rire: Castor et Pollux), ne tendent
un piège à Ben et le laissent évanoui dans une poubelle.
Dès lors l'aventure va commencer. Mais quelle intro! Un festival pour
les mirettes et les esgourdes. De longues séquences non-interactives
comme celle-là, vous en verrez plein d'autres dans Full Throttle. Ce
qui est génial c'est que l'action n'est pas toujours centrée
sur Ben, le personnage principal. On assiste à des scènes annexes
et on a vraiment l'impression d'être plongé dans un monde vivant.
Côté graphisme c'est parfait. Pas de vidéo, pas d'images
de synthèse, c'est du dessin pur. Enfin, non. II est clair que tous
les véhicules ont été conçus en 3D, dans un souci
de perfection. De même, les visages en gros plan sont tellement expressifs
qu'on soupçonne les graphistes de Lucas d'être partis d'images
réelles. Mais quel travail ensuite! Tout a du être retouché
à la main et, au final, c'est vraiment "raccord". Quand au
son, c'est une petite merveille. Les dialogues parlés nous abreuvent
d'un américain argotique du meilleur effet alors que les musiques rock
sonnent vraiment... rock. C'est que Lucas s'est donné les moyens de
ses ambitions. Des voix célèbres se sont prêtées
au jeu - Mark "Skywalker" Hammil, par exemple - et les grattes saturées
des "Gone Jackals" ou des "Wiskey and Skirt" vont mettre
à mal vos cartes son! Je vous parle même pas des bruitages de
motos: avec Full Throttle, vous avez le premier PC à pots percés.
De l'aventure, de l'humour et de la baston
Ainsi nous voilà dans la peau de Ben "THE biker".
Successivement victime d'un sabotage puis accusé à tort de meurtre,
le leader des Putois va en voir de toutes les couleurs. Si l'aventure n'est
pas complètement linéaire, Full Throttle fonctionne par tableaux.
J'm'explique. Au début, vous êtes dans la petite ville de Melonweed
à la recherche de pièces pour réparer votre bécane.
Vous pouvez vous déplacer librement dans quatre lieux différents
nais certaines actions devront être effectuées dans un ordre
précis pour triompher des énigmes. Une fois la moto reconstituée,
on a droit à une belle séquence cinématique et c'est
reparti pour le tableau suivant. La difficulté n'est pas excessive
et on reste rarement bloqué trop longtemps. Les scénaristes
de Lucas ont beau être vicieux, les raisonnements sont toujours logiques.
Et puis Ben nous fait bien marrer. II se fait courser par un pitbull dans
un casse de voitures, il joue à cache-cache avec les flics, il fait
le malin en roue arrière sur sa bike avant de se crasher lamentablement.
Y'a pas à dire, ce mauvais garçon est drôlement attachant.
Normal, VOUS êtes Ben! La philosophie du rebelle se trouve résumée
dans l'interface: Ben peut regarder, parler, distribuer des pains et mettre
des coups de latte. Comme à l'accoutumée, on progresse dans
les dialogues en cliquant sur un choix de phrases qui s'affichent à
l'écran. Mais pourquoi s'embêter à causer quand on est
aux commandes d'un biker? Je vous le demande! Pour franchir les obstacles
du jeu, la manière forte est souvent la première solution à
employer. Alors Ben enfonce les portes à coups de rangers, il distribue
des baffes quand on lui cause mal, il ne manque pas une occasion de faire
un "burn" avec sa bécane et... ça nous plaît
vachement! Mais, mais, c'est qui ce mec qui rentre dans le bureau? Tiens,
PAF! j'lui colle une mendale. Ooops, pardon. Eh, Pinky, tu m'entends? Eh,
réveille-toi, ça m'a échappé mon vieux...
Après Rebel Assault, voilà Rebel Moto
Bon, résumons: des capitalistes sans foi ni loi, une
sombre affaire de restructuration d'entreprise qui tourne au meurtre, une
journaliste qui fourre son nez où il ne faut pas, un biker qui cause
avec ses poings, une jolie poulette tatouée qui joue les mécaniciennes...
tous les ingrédients du bon jeu d'aventure sont au rendez-vous. Mais
Full Throttle n'est pas un simple jeu d'aventure. Full Throttle est une allégorie
à
la gloire de la bike. Pour sûr, les engins de Full Throttle ne vont
pas vous décevoir. Si la machine de Ben est relativement classique,
les designers 3D de Lucas s'en sont donné à coeur joie sur les
autres véhicules. Et quand on a de si beaux engins modélisés
en images de
synthèse, la tentation est grande de les mettre en scène dans
des séquences 100% arcade. Ainsi, l'aventure est rythmée par
des combats en moto où Ben affronte les gangs rivaux. La technique
employée rappelle un peu Rebel Assault : on se déplace dans
un circuit précalculé et la souris sert à diriger la
moto de Ben. Une fois à la hauteur d'un adversaire on passe en vue
de face et la baston peut commencer. Le bouton droit sert à choisir
le type d'attaque et le gauche à filer les gnons (coup de poing, coup
de latte). Chaque gang a ses particularités et quand on triomphe d'un
méchant, on peut récupérer une nouvelle arme: chaîne,
planche, tête de mort avec des pointes, tronçonneuse. Ambiance
Mad Max garantie! Je pourrais chipoter un peu en disant que l'animation aurait
pu être un peu plus coulée dans ces séquences. Mais, pas
de panique, ca reste très jouable. Je vous aurai prévenu: vous
allez avoir du mal à vous décoller de Full Throttle. C'est vrai,
on est trop bien assis le cul sur une selle en cuir à franges !
Intéret
92 |
+
Originalité
Graphisme
Voix, musique
Bruitages
Scénario |
-
On ne peut pas toujours "sauter" les scènes intermédiaires.
Animation des séquences action perfectible |
Technique
86 |